« Pour avoir beaucoup d’or, il faut posséder pas mal d’argent. Et réciproquement ». Cette citation de Pierre Dac résume assez bien l’opinion commune sur ce que l’économiste Keynes appelait avec dédain la « relique barbare ». La question de l’or a toujours soulevé des débats passionnés entre fervents partisans et farouches opposants, entre ceux qui pensent que l’or est la « monnaie ultime », celle qui ne se dépréciera jamais, et ceux pour qui l’or est un investissement inutile qui ne crée pas de richesse et qui génère au contraire des frais, ce qui est d’ailleurs vrai.
L’or ne génère pas de valeur, il la conserve
L’or est effectivement un mauvais investissement car sa finalité n’est pas de générer de la valeur mais de la conserver ce qui est complètement différent. L’or est une forme de monnaie – c’est même une des plus anciennes qui existe – dont la particularité est de ne pas subir d’érosion monétaire (c’est-à-dire d’inflation) du fait qu’il n’est pas possible d’en créer facilement à l’inverse de la monnaie papier (qu’il suffit d’imprimer).
Concrètement, si vous deviez dépenser 100$ pour acheter quelque chose en 1900, vous devriez dépenser environ 3000$ aujourd’hui pour acheter la même chose. Le billet vert a perdu 95% de son pouvoir d’achat en 100 ans. Par contre, si vous aviez réalisé cet achat en « monnaie or » (par exemple en once d’or), vous auriez payé peu ou prou la même chose en 1900 ou en 2010.
Quelques grandes familles richissimes, notamment italiennes, ont ainsi réussi à préserver leur richesse à travers les siècles, malgré les guerres, les révolutions et les épidémies car elles ont investi dans des actifs tangibles qui préservent leur valeur intrinsèque : des terres, de l’or et des œuvres d’art choisies avec discernement.
L’intérêt d’avoir de l’or en période de déflation ?
Pour en revenir à l’or, il faut donc comprendre qu’il s’agit avant tout d’une assurance contre l’inflation et contre tout ce qui détruit la valeur de la monnaie comme une guerre ou une une crise majeure.
Mais cette assurance a-t-elle un sens à notre époque où l’inflation est historiquement basse (déflation) ? : en théorie non mais il existe un courant d’opinion très actif qui est porté par des commentateurs comme Simone Wapler, Philippe Béchade ou Jim Rickards, des sites comme « La chronique Agora » ou « or-argent.eu », selon qui l’impression monétaire massive issue des quantitative easing successifs aux US, en Europe et au Japon finira par créer, à terme, une hyperinflation qui balayera tout sauf l’or.
Il faut reconnaître que, sur un plan macro-économique, l’époque actuelle est une véritable singularité historique : jamais dans l’histoire les Etats n’ont accumulé de tels niveaux de dette (même en période de guerre mondiale !), jamais le marché obligataire n’a culminé aussi haut, jamais les Etats n’ont imprimé autant d’argent via les banques centrales. Bref, il y’a de quoi s’interroger.
La dette des Etats n’est pas un problème en soi contrairement à ce que croient beaucoup de gens. Ce qui est important c’est que la charge de cette dette (c’est-à-dire ce qui est remboursé tous les mois) reste supportable en regard des revenus. Pour l’instant c’est le cas : l’encours de la dette française est passée de 1000 à 1600 Md€ entre 2008 et 2016 mais la charge de la dette est restée peu ou prou la même (~50Md€/an à comparer aux ~250Md€ de recette/an de l’Etat français)
La raison de ce « miracle », c’est la très forte baisse du rendement des obligations d’Etats qui a été « écrasé » (les économistes parlent d’ailleurs « d’écrasement de la courbe des taux ») par les centaines de milliards d’impression monétaire du quantitative easing de la Banque Centrale Européenne (BCE). Ces centaines de milliards ont littéralement saturé le marché obligataire européen forçant les taux à baisser.
Aujourd’hui la France paye 1%/an à ses créanciers pour leur emprunter de l’argent à 10 ans alors qu’elle devait payer 4% en 2008. Un taux aussi bas est unique dans toute son Histoire! L’Allemagne ne paye que 0,4% et la Suisse réussit même l’exploit de payer -0,025% c’est-à-dire qu’elle est payée par ses créanciers pour leur emprunter de l’argent ! : les investisseurs payent pour avoir une partie de leurs avoirs libellés en franc suisse.
Le petit problème qui pourrait tout faire déraper
Jusque-là tout va bien mais la situation pourrait devenir franchement problématique si les créanciers se mettent à exiger des intérêts plus élevés, parce qu’ils n’ont plus confiance ou parce que l’inflation pointe son nez (comme c’est d’ailleurs le cas actuellement). Si le taux à 10 ans passe de 1 à 3% (ce qui reste historiquement bas), ce n’est pas 50Md€ mais 150Md€ que l’Etat français devra sortir pour couvrir la charge de sa dette ! Sachant que le déficit annuel de l’Etat est déjà de -70Md€/an, on voit qu’avec 100Md€/an de charge en plus, ça commence à sentir le sapin.
La solution serait d’avoir une forte croissance économique qui booste les rentrées fiscales de l’Etat. Malheureusement, c’est mal parti à moins qu’une rupture technologique majeure (robotique, intelligence artificielle,…) ne vienne changer la donne. Une autre option serait d’augmenter les impôts mais l’imposition en France est déjà élevée et laisse peu de marge de manœuvre. Une dernière option « atomique » serait que la BCE (ou un autre organisme comme le FMI) lance une énième quantitative easing pour « écraser la courbe des taux » et resolvabiliser la France (et la plupart des Etats du sud de l’Europe). Mais cela ne ferait que repousser le problème en aggravant encore le risque d’inflation.
L’intérêt de l’or dans un patrimoine serait donc de couvrir ce type de scénario catastrophe – je parle bien de scénario et non de prédiction – qui laminerait tous les actifs existants à part l’or. On peut certes imaginer qu’il s’agit d’un fantasme de Nostradamus mais il est assez troublant de constater que les chinois et les russes – qui sont loin d’être stupides – accumulent les achats d’or physiques depuis quelques années. Que savent-ils que nous ne savons pas?
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