Vous est-il déjà arrivé de vous retrouver, sans trop savoir comment, dans un état où vous êtes à la fois zen et incroyablement productif ? vous attaquez sans difficulté les différentes tâches de votre journée qui s’enchainent avec fluidité les unes derrière les autres, sans la moindre petite tentation de procrastination pour venir gâcher ce moment de grâce.
Vous oubliez le temps qui passe mais chaque fois que vous regardez votre montre, c’est pour vous étonner d’avoir fait tant de choses en si peu de temps.
Vous êtes de bonne humeur, d’une patience d’ange avec vos enfants, vous prenez le temps de vous occuper d’eux quand ils vous le demandent. La journée passe sur un nuage.
Vous êtes zen mais pas de cette zénitude qui tend à vous faire planer sans faire grand-chose. Vous êtes zen et efficace.
Cet état de grâce existe, il a été découvert par un psychologue hongrois au nom imprononçable : Mihály Csíkszentmihályi (prononcez » chique-sainte-mihaï » … sinon faites comme tout le monde et dites « Mihaly »).
Mihaly a découvert « le Flow » qui est un état d’immersion totale dans lequel les émotions sont canalisées et coordonnées complètement avec les taches en cours d’accomplissement. Il en résulte une grande efficacité mêlée d’un sentiment de joie et de profonde satisfaction. C’est une sorte d’état d’hyper-concentration mais sans la dimension autistique qui caractérise généralement ce genre d’état mental.
Certains sportifs de haut niveau ont évoqué des expériences qui relèvent de l’état de flow comme par exemple le pilote de formule 1 Ayrton Senna lors des qualifications de grand prix de Monaco de 1988 : « J’étais déjà en pole position, […] et je continuais. Tout à coup j’avais deux secondes d’avance sur tout le monde, même sur mon binôme qui avait la même voiture. Et tout à coup j’ai réalisé que je ne conduisais plus la voiture consciemment. Je la conduisais comme instinctivement, mais j’étais dans une autre dimension. J’étais comme dans un tunnel. Pas seulement dans le tunnel sous l’hôtel : tout le circuit était un tunnel. Je continuais et continuais, encore et encore et encore et encore. J’avais largement dépassé la limite mais j’étais toujours capable de trouver plus. »
Les principaux effets de l’état de Flow identifiés par Mihaly sont les suivants :
– Concentration intense focalisée sur le moment présent
– Disparition de la distance entre le sujet et l’objet
– Perte du sentiment de conscience de soi
– Sensation de contrôle et de puissance sur l’activité ou la situation
– Distorsion de la perception du temps
– L’activité est en soi source de satisfaction (état dit « autotélique »). Une grande particularité de l’état de flow est d’ailleurs l’absence de recherche de récompense externe. La satisfaction vient de l’activité elle-même.
L’état de flow a fait l’objet de nombreuses recherches afin notamment de comprendre comment le déclencher, mais si on connait mieux les processus cognitifs qui provoquent l’état de flow, on ne sait toujours pas l’activer à la demande.
Certaines personnes y arrivent pourtant au travers d’activités qu’elles maîtrisent parfaitement et pour lesquelles elles rentrent systématiquement en état de flow. C’est par exemple le cas des habitants d’Okinawa qui ont la particularité d’avoir un temps de vie en bonne santé exceptionnel, bien qu’il s’agisse de la région la plus pauvre du Japon. Ce phénomène a été largement expliqué par des facteurs alimentaires (le fameux « régime Okinawa« ) mais on a découvert qu’il est également lié à une « philosophie du flow » appliquée par les habitants dans leurs activités agricoles, qui les rend très résilients.
Le pratiquant du bouddhisme et du taoïsme qui cherche à « ne faire qu’un avec ses pensées » vise également quelque chose qui se rapproche de l’état de flow, ce qu’on retrouve également dans certains arts martiaux, par exemple l’aïkido.
Contrairement à ce que présentent beaucoup de magazines féminins, l’état de flow n’est pas forcément un état de gentille zénitude bisounours au cours duquel on compresse le temps qui passe en taillant des bonzaïs. Des études menées sur des troupes au combat ont ainsi établi que quelques pour-cents de combattants réussissent à entrer dans un état de flow qui les rendent tout sauf « gentils ».
Pendant mes années de formation d’officier, on nous avait exposé le cas d’un jeune commandant qui avait sauvé son peloton d’une embuscade en Afrique en coordonnant les opérations avec un calme et une lucidité extraordinaire alors que les balles sifflaient autour de lui, qu’il avait de nombreux blessés et que ses supérieurs s’égosillaient affolés à la radio. Il avait connu son « moment flow« , n’a plus rien fait d’extraordinaire après ça et est retombé dans un relatif anonymat.
Si vous êtes intéressé par ce phénomène bizarre et encore largement inexpliqué, je vous conseille le livre fondateur de Mihály Csíkszentmihályi sur le sujet qui est « Vivre : la psychologie du bonheur » (lien affilié) écrit en 2004. David Servan-Schreiber qui a préfacé le livre écrivait à son propos : « Heureux qui n’a pas encore lu Vivre. Il a devant lui des moments de plaisir intense. ». Vous pouvez aussi lire cet article trés complet du site hacking-social.com.
Et vous avez-vous connu des expériences de flow ? vous êtes vous intéressés à la façon de déclencher un état de flow? Répondez dans les commentaires.
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